Effets d’enseignements de modélisation 3D en école d’ingénieurs : le double enjeu de la justesse et de l’efficacité - Bien-être, Organisations, Numérique, Habitabilité, Education, Universalité, Relations, Savoirs Accéder directement au contenu
Communication Dans Un Congrès Année : 2023

Effets d’enseignements de modélisation 3D en école d’ingénieurs : le double enjeu de la justesse et de l’efficacité

Résumé

Depuis les années 1980, la conception mécanique s’appuie, dans le monde industriel, sur des outils de Conception Assistée par Ordinateur (CAO), qui permettent de produire des représentations fiables d’objets complexes en trois dimensions (3D) (Hamon, 2009; Poitou, 1984). Il s’agit de dessiner une esquisse en deux dimensions, que l’on contraint géométriquement et dimensionnellement, et à laquelle on applique un balayage pour la transformer en solide (Bertoline et al., 2009). Les modeleurs volumiques s’appuient sur des connaissances géométriques, la connaissance des outils disponibles dans le modeleur et de la meilleure manière de les utiliser (Rynne et Gaughran, 2007; Wiebe, 1999). Cette pratique professionnelle a mené les institutions qui forment à la conception mécanique à transformer leurs curricula. Les cours de dessin industriel et de géométrie descriptive ont disparu des études d’ingénierie au profit d’enseignements de modélisation volumique et de manipulation d’outils de CAO (Ault et John, 2010; Leopold, 2005). Ceux-ci ont pour objectif d’apprendre aux étudiants ingénieurs à manipuler les modeleurs, mais aussi à générer des modélisations efficaces (Chester, 2007; Rynne et Gaughran, 2007), c’est-à-dire des réalisations bien contraintes, au moyen de processus économes en temps et en nombre d’actions (Bhavnani et al., 2001). Ces connaissances à maîtriser peuvent être organisées selon la catégorisation d’Anderson (2014) pour distinguer celles qui sont factuelles et descriptibles, de celles qui sont procédurales et qui ne peuvent se manifester qu’à travers des comportements. Dans le cas des modeleurs volumiques, les connaissances déclaratives concernent notamment les commandes disponibles, et les connaissances procédurales l’objet à concevoir et les stratégies à mobiliser pour le concevoir (Hamade et al., 2005). Les connaissances déclaratives sont spécifiques à un modeleur, alors que les connaissances procédurales sont applicables à tous les logiciels de modélisation volumique (Hamade et al., 2005; Lang et al., 1991). Dans le cadre du programme e-FRAN, qui s’intéresse aux « effets, positifs et négatifs, de l’utilisation du numérique dans les pratiques d’enseignement et d’apprentissage » (Ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, Ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique et Commissariat général à l’investissement, 2016), notre recherche s’est portée sur la mesure des habiletés spatiales et des compétences en modélisation 3D. La présente communication vise à décrire la méthodologie que nous avons définie pour déterminer si des enseignements de première année d’école d’ingénieurs, comprenant des séances d’apprentissage de la modélisation volumique et du modeleur CATIA (Dassault Systèmes, 2012), ont permis des évolutions de performance en modélisation. Il s’agit de caractériser cette performance à la fois au travers de critères de justesse de réalisation et de critères d’efficacité, de manière à considérer le double enjeu de l’enseignement de la modélisation 3D. En d’autres mots, pouvons-nous identifier dans les réalisations des étudiants des indicateurs de l’effet des enseignements sur la capacité des apprenants à modéliser la pièce attendue, et à le faire de manière efficace ? À leur arrivée à l’école, 129 étudiants ingénieurs à ISAE-Supméca ont suivi un pas-à-pas de prise en mains de la plateforme de développement en ligne Onshape (Hirschtick et al., 2014) et réalisé un exercice de modélisation 3D. Il s’agissait de produire un objet à partir de trois vues, dont une vue cotée. 98 des étudiants ont répété l’exercice à la fin du premier semestre. Leurs réalisations ont été évaluées à partir de critères géométriques, e.g. symétrie de la pièce ; dimensionnels, e.g. longueur totale de la pièce ; et fonctionnels, e.g. nombre de volumes élémentaires. L’évaluation s’est appuyée sur les dessins techniques, générés dans la plateforme, et sur la consultation du modèle de la pièce, disponible dans le modeleur. Cette prise de performance a été complétée par l’observation de l’activité de modélisation 3D au moyen de la captation de l’activité à l’écran des étudiants. Les films de 28 apprenants ont été encodés afin de relever les opérations et actions constitutives de ces processus de résolution de problème (Olry, 2019; Savoyant, 2010). Ces traitements nous ont permis de relever des indicateurs de performance complémentaires à la mesure de la justesse des réalisations, i.e. le temps de réalisation, le nombre de messages d’erreur affichés par le logiciel pendant la modélisation, le nombre d’actions de tâtonnement, le nombre d’actions ; et de calculer l’efficacité des étudiants. Nous avons de plus analysé la nature des messages d’erreur relevés : ces réponses du logiciel à l’activité des étudiants concernent la sur-contrainte et/ou l’extrusion inadéquate de surfaces de la pièce. La comparaison des scores des 98 étudiants, relevés avant et après les enseignements, révèle une augmentation significative de la performance. Cette progression est supérieure à l’effet d’entraînement, que l’on attribue à l’apprentissage fortuit dû à la répétition d’une épreuve (Kinnear et Gray, 2015). On considère, pour des adultes à délais de 3 mois, que l’effet d’entrainement est de 0,2σ (Hopkins, 1998). Cette progression ne concerne cependant pas l’échantillon de 28 étudiants dont nous avons encodé les vidéos : ces sujets avaient été choisis pour participer à une expérimentation de modélisation en groupe, en raison de leur assiduité à l’ensemble du protocole expérimental décrit dans nos travaux de thèse. Nous suggérons que leur performance initiale élevée a laissé peu de marge de progression dans la tâche de modélisation que nous leur avons présentée, évaluée selon nos critères. Nous observons en revanche une diminution significative de leur temps de réalisation alors que le nombre d’actions qu’ils produisent et leur efficacité n’évoluent pas de manière significative. Nous constatons parallèlement une augmentation significative du nombre d’actions de tâtonnement. Nous proposons que le manque de familiarité avec Onshape, que nous avons utilisée pour nos expérimentations alors que les enseignements ont mobilisé le modeleur CATIA, a provoqué une augmentation du nombre d’actions de tâtonnement, et par extension du nombre d’actions. Finalement, nous observons une diminution significative du nombre de messages d’erreur, malgré le manque familiarité avec Onshape. Nous en concluons que malgré une absence d’augmentation des scores significative de cet échantillon restreint, les enseignements reçus ont permis à ces étudiants d’améliorer leur performance en modélisation, car ils ont généré moins de messages d’erreur dans le logiciel : les apprenants semblent démontrer une meilleure compréhension de la pièce à modeler et de la stratégie de modélisation. Ceci confirmerait que les stratégies procédurales, qui s’appliquent au savoir-faire, sont bien transférables d’un modeleur à un autre. Notre étude visait à identifier une potentielle évolution en performance en modélisation suite à des enseignements spécifiques. Notre méthodologie mixte a mis en évidence une amélioration significative en justesse de modélisation, pour l’ensemble de notre échantillon, et en efficacité de modélisation, pour un échantillon restreint. Elle a de plus relevé des causes d’erreur, utiles pour l’identification de sources de difficulté chez les apprenants, et confirmé la transférabilité des apprentissages à d’autres logiciels.
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Dates et versions

hal-04290521 , version 1 (05-02-2024)

Identifiants

  • HAL Id : hal-04290521 , version 1

Citer

Sophie Charles, Nicolas Peyret. Effets d’enseignements de modélisation 3D en école d’ingénieurs : le double enjeu de la justesse et de l’efficacité. ROC 2023 La personne en formation au cœur de l'apprentissage avec le numérique, Université TÉLUQ; REFAD; Observatoire du numérique en éducation; CIRTA, Nov 2023, Québec (CA), Canada. ⟨hal-04290521⟩
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